15/09/2007
NICOLAS FOUCQUET ET RENNES-LE-CHÂTEAU !
C'est François IV Foucquet, père du surintendant général des finances de Louis XIV qui fit ajouter la devise latine : Quo non ascendet ? qui signifie : Jusqu'où ne montera-t-il pas ? en parlant de l’écureuil. Lors de l’emprisonnement de Nicolas Foucquet, cette devise fut détournée par ses détracteurs en Quo non ascendam ? qu'ils traduisaient par Jusqu'où ne monterai-je pas ? pour caricaturer le surintendant qu’ils accusaient d’avoir voulu être plus riche que le Roi.
« Rome, le 17 avril 1656,
J'ai rendu à Monsieur Poussin la lettre que vous luy faites l'honneur de lui escrire ; il en a témoigné toute la joie imaginable. Vous ne sauriez croire, Monsieur, ni les peines qu'il prend pour vostre service, ni l'affection avec laquelle il les prend, ni le mérite et la probité qu'il apporte en toutes choses.
Luy et moi, nous avons projeté certaines choses dont je pourrai vous entretenir à fond dans peu, qui vous donneront par Monsieur Poussin des avantages (si vous ne les voulez pas mépriser) que les Roys auraient grand peine à tirer de lui, et qu'après lui peut-être personne au monde ne recouvrera jamais dans les siècles advenir ; et, ce qui plus est, cela serait sans beaucoup de dépenses et pourrait même tourner à profit, et ce sont choses si fort à rechercher que quoi que ce soit sur la terre maintenant ne peut avoir une meilleure fortune ni peut être égasle. ».
Cette lettre authentique (1), écrite par Louis Foucquet à son frère Nicolas, surintendant général des finances de Louis XIV, est apparue pour la première fois dans l’histoire de Rennes-le-Château, non en 1967 dans "L'Or de Rennes", premier livre de Gérard de Sède sur le sujet, mais dans un article que ce dernier signe cinq ans plus tard avec Jean Pellet (2). C'est aussi dans ce court texte que les auteurs ouvrent la piste du "tombeau d'Arques", lieu que, selon eux, Nicolas Poussin aurait reproduit dans "Les Bergers d'Arcadie" (3).
En 1973, Gérard de Sède reparle plus longuement du peintre Poussin et du surintendant Foucquet dans "La race fabuleuse" (4).
La même année, Matthieu Paoli évoque, à son tour, la lettre à Nicolas Foucquet, la datant faussement du 17 avril 1661. En 1974, Jean-Pierre Monteils apporte quelques réflexions sur des extraits du même courrier (5).
En 1978, Franck Marie reprend la piste "de Sède" et parle du colloque "Nicolas Poussin" où un documentaliste commente la lettre du 17 avril 1656 (6).
« Ce projet mystérieux et grandiose pose la plus grande énigme. A quelle entreprise merveilleuse pouvaient bien rêver le vieux peintre et le jeune abbé – esprit vif, mais tête pratique, et peu susceptible d’enthousiasmes inconsidérés ? Quelque grande publication ? On comprendrait mal un tel engouement. Montaiglon a avancé l’hypothèse de grandes fouilles archéologiques, en quelque point de Rome ou dans le Tibre. Elle est, en effet, fort plausible. Peut-être même Poussin, attentif à la moindre découverte, et par le rôle d’intermédiaire qu’il exerçait parfois, en relations plus ou moins suivies avec des fouilleurs clandestins, avait-il repéré un site exceptionnel, dont il détenait le secret : ce qui expliquerait les termes si curieux dont se sert l’abbé. »
Convaincu, Franck Marie tranche : « Ce site exceptionnel dont parle le documentaliste, ne peut être autre que celui de Rennes-le-Château. ». Il rejoint en cela l’opinion première de Gérard de Sède qui écrivait : « Si le secret était lié à un site archéologique, rien ne nous permet d’affirmer que ce site se trouvait en Italie, il pouvait tout aussi bien se trouver en France … » (7).
Depuis ces premiers écrits, cette dernière hypothèse remporte la faveur d'une partie des chercheurs. A leur décharge, il faut admettre que les termes sibyllins de la missive, interprétés d'une certaine façon, peuvent leur donner naturellement raison. En apparence seulement, car un ouvrage de 1894 consacré à François Foucquet, autre frère du surintendant, parle aussi de Louis Foucquet et pourrait éclairer sous un nouveau jour sa lettre du 17 avril 1656.
« Quant à Louis, trop jeune encore pour être sacré (il était né en 1633 et avait par conséquent 23 ans en 1656), il continua à résider à Rome, où il remplissait une mission confidentielle "occupant ses loisirs à visiter les ateliers des peintres et des sculpteurs, les collections qui constituaient les musées de ce temps, et s'il découvrait quelque pièce intéressante, il la signalait au surintendant". » |
Le trafic dont il est question ici concerne assurément celui d'œuvres d'art.
Patrick Mensior
(1) – Correspondance faisant partie des archives de la famille Cossé-Brissac qui fut présentée à Paris en 1968 dans les actes du colloque "Nicolas Poussin"
(2) – Gérard de Sède et Jean Pellet " le secret de Nicolas Poussin, Promenade initiatique dans les gorges de l'Aude", Le grand Albert n° 9, juillet-août 1972
(3) – Gérard de Sède "La race fabuleuse" pages 128 et 129
(4) – Gérard de Sède "La race fabuleuse" page 132
(5) – Jean-Pierre Monteils "Nouveaux trésors à Rennes-le-Château ou le retour d'Ulysse" page 146
(6) – Franck Marie "Rennes-le-Château étude critique" page 183
(7) – Gérard de Sède « La race fabuleuse » pages 129 et 130