15/09/2007
Extrait tiré du supplément à la Semaine Religieuse de Carcassonne du 14 avril 1988 - n°13
Homélie de M. l’abbé André VIDAL
Aux obsèques du Père Maurice MAZIERES
Chapelle de Béthanie - le 9 avril 1988
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Jean 17, 1.3.24
"Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi.
Quand, au soir du Jeudi-Saint, le Seigneur Jésus priait anisi son Père, il songeait bien sûr à tous les hommes qui croiraient en Lui".
Mais pouvons-nous douter un seul instant qu'il n'ait songé d'une façon toute particulière à ses Apôtres groupés autour de Lui?
Et par-delà les siècles, à tous ceux qui, à la manière des Apôtres, accepteraient eux aussi de jouer toute leur vie pour le suivre, pour continuer auprès des hommes sa mission?
L'abbé Maurice MAZIERES est un de ceux-là. Et c'est pourquoi cette prière du Christ prend une vivante actualité aujourd'hui ;
Et cette supplication insistante "je veux" a de quoi faire naître en nos cœurs, l'assurance la plus confiante.
Oui, ce que Jésus veut, c'est que chacun de nous soit avec Lui et contemple la gloire du Père.
Je pense qu'à cette heure l'abbé Maurice MAZIERES est avec le Seigneur Jésus et qu'il contemple la gloire du Père.
Tout comme Saint Paul le signifiait à son disciple Timothée, il a pu dire : "J'ai tenu jusqu'au bout de la course, je suis resté fidèle".
La course : elle avait commencé au jour de sa naissance à Perpignan le 18 février 1909, au jour de son baptême le 10 avril 1909 ; il était fils d'un officier détaché à l'Inspection des finances ; après des études au lycée de cette ville, la Faculté des Lettres de Montpellier l'accueillait pour faire de lui "un philosophe accompli", comme le soulignera le 1er juin 1959 le président de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne alors qu'il l'accueillait en qualité de membre correspondant de cette Compagnie.
Et ce même président ajoutait : "Comme la philosophie mène à tout, elle vous a conduit au sacerdoce".
De fait, l'abbé MAZIERES attiré par Mgr COSTE dans le diocèse de Carcassonne était ordonné prêtre par Mgr PAYS le 29 juin 1935.
Il exercera son ministère dans diverses paroisses du diocèse : Vicaire à Saint Paul de Narbonne en 1935, chargé de Donazac en 1938, Vicaire à Saint Michel de Carcassonne en 1939, Vicaire à Quillan en 1940, curé de Pezens en 1954, curé de Rouvenac en 1955, aumônier de l'Institution Jean d'Arc de Castelnaudary en 1958, curé de Villesèquelande en 1959, retiré à Béthanie le 1er novembre 1974.
Personnellement, je ne l'ai pas connu dans ses activités pastorales mais je sais que, dans bien des endroits, il a laissé le souvenir d'un pasteur zélé, accueillant, bienveillant.
La philosophie mène à tout… elle vous a conduit au sacerdoce, soulignait le président de la Société des Arts et Sciences et elle vous a conduit aussi à l'Histoire…
Certes, l'Histoire a fait partie intégrante de sa vie : bien des écrits en témoignent, il ne m'est pas loisible de les énumérer tous - notons seulement au passage :
"La venue et le séjour des Templiers du Roussillon à la fin du XIIIème siècle dans la Vallée du Bézu", "Les archives du Château d'Alzau" qu'il a eu le privilège de consulter", "Recherches historiques à Campagne-sur-Aude".
Puis, la vieillesse est arrivée : je crois que , grâce à sa foi, sous la lumière de l'Evangile, il l'a accueillie comme un temps de grâce accordé par le Seigneur pour se préparer à la suprême rencontre :
- il s'est d'abord détaché de tout : de tous ses biens auxquels il avait été sans doute attaché, de son cadre de vie où il s'était habitué ;
- il a accepté la diminution de ses forces physiques (le jour où le rencontrant sur la route - à l'intersection de la route de Bram et de Villesèquelande, il m'annonçait sa décision de se retirer à Béthanie : il venait de Pezens à bicyclette où il avait confessé, selon son habitude comme chaque semaine, les religieuses du couvent de la Sainte Famille : il a souffert de la diminution de sa vue malgré tous les soins dont il fut entouré ;
- à l'avance par sa parole "à la volonté de Dieu"… par le geste ensuite de sa main valide. Quand la paralysie lui a retiré l'usage de sa langue, il a fait l'offrande de sa maladie.
Cette maladie qui avait atteint ses forces vives… mais qui faisait que sa mission de prêtre se continuait, peut-être plus efficace encore que dans les périodes de grande activité.
Je sais que durant son séjour à l'hôpital ou à l'hospice, il a édifié par son calme, par son silence, par son regard… pas une plainte, pas un gémissement, pas un cri.
Ces mois de souffrances lui ont permis d'achever dans sa chair "ce qui manques à la passion du Christ pour son corps qui est l'Eglise"… Lui offrant et en offrant avec Lui les humbles misères de l'âge.
N'est-ce pas l'amour qui transforme tout ?
Et la mission du prêtre continue … elle est loin de s'achever lorsqu'il arrête sa tâche…
Elle s'achève seulement lorsqu'il arrive à la Maison du Père : c'est là le seul aboutissement de toute vie donnée au Seigneur.
Passer de ce monde à la Maison du Père… c'est la plus belle définition de l'existence humaine et de son achèvement.
Passer de ce monde à la Maison du Père, là où tous ceux qui sont partis avant nous attendent, où la famille et tous ceux que nous avons connus et aimés se retrouvent pour toujours dans l'émerveillement du Paradis.
C'est ainsi que se réalise la promesse de Jésus à ceux qui ont tout quitté pour le suivre.
"Je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi".
A M E N