15/09/2007
La Puissance et la Mort
Nous n'avons aucune certitude sur l'auteur du texte La Puissance et la Mort qui, dans le milieu des années 1960, fut exclusivement porté par Jean Pellet à la connaissance de quelques amis chercheurs. On sait qu'il fut dactylographié par Noël Corbu et que certaines expressions sont directement empruntées à un autre texte qu'il rédigea et enregistra vers 1961 - 1962 sur bande magnétique pour le faire entendre aux clients de son restaurant.
En février 1250 Rhedae (Rennes-le-Château) puissante citadelle et ville de 30000 âmes attendait dans la fièvre l'arrivée de Blanche de Castille – Régente du royaume de France-.
Blanche de Castille venait à Rhedae non pour y séjourner, mais pour mettre à l'abri le trésor de la Couronne, car dans tout le royaume, Patres, Vagabonds, Vilains, petits féodaux se révoltaient (révolte des Pastoureaux) et partout c'était le pillage et la ruine. Paris même était menacé, seul Rhedae avec ses cavernes insondables, sa citadelle énorme était à même de protéger et de conserver le Trésor Royal.
Une armée véritable avait gardé le trésor pendant toute la durée du parcours, il était arrivé sans encombre à Rhedae et maintenant la Reine arrivait.
Le Sénéchal Pierre de Voisin attendait Blanche de Castille et sa suite.
La réception terminée, Blanche de Castille descendit seule dans la salle souterraine du donjon, où se trouvent les coffres qui contiennent le trésor de France, elle a demandé dix hommes au Seigneur de Voisin, dix prisonniers à qui elle a promis la liberté. Ils arrivèrent et s'inclinèrent devant la Reine, sans un mot, celle-ci montra du doigt une dalle de pierre avec un anneau, péniblement deux hommes s'arque boutant arrivèrent à la soulever, le trou béant révéla un sombre escalier.
- Prenez des torches, ordonna la Reine et suivez-moi.
L'escalier descendait interminablement, puis tombait dans une sorte de rotonde, où aboutissaient plusieurs sombres et sinistres entrées.
- Attendez-moi là, ordonna la Reine, et s'emparant d'une torche, elle s'engouffra dans l'un des lugubres boyaux, au bout d'une centaine de mètres elle s'arrêta, le souterrain faisait un coude assez prononcé, la Reine du bout du pied pressa une pierre pendant qu'elle en faisait tourner une autre dans sa main libre, un faible déclic s'entendit, alors avec l'épaule la Reine poussa la muraille de la courbe extérieure, et doucement celle-ci s'enfonça, pivota et tout en tournant découvrit une autre ouverture pendant que le souterrain se bouchait par le pan de muraille. Ne connaissant pas le secret une personne aurait cherché en vain, car la porte refermée le souterrain continuait dans les entrailles de la terre et rien sur ses parois n'indiquait qu'il possédait une porte sur le côté.
La Reine retourna sur ses pas et ordonna aux hommes qui l'attendaient de transporter les malles, les coffres et les caisses qui se trouvaient dans la salle du donjon. Suant, ahanant, les prisonniers transportèrent le trésor, la Reine près de la porte de la salle secrète, comptant les caisses, quand tout fut transporté elle dit aux hommes de mettre les caisses en ordre ainsi que les coffres et pendant qu'ils étaient occupés à ce travail, la Reine silencieusement s'appuya sur deux autres pierres et la lourde porte se referma emmurant vivants les dix malheureux.
Sans écouter la légère rumeur qui filtra à travers l'épaisse muraille elle s'enfuit, remonta dans la salle du donjon et là, tomba à genoux demandant pardon à Dieu de ce qu'elle avait été obligé de commettre, nul ne connaissait le secret, hors elle-même, nul autre que le roi son fils ne le connaîtrait. La vie de la France en dépendait, elle avait bien promis la liberté à ces hommes, mais mourir en martyr n'était-ce pas gagner le Paradis et par conséquent la plus belle des libertés.
Quand la Reine remonta de la salle et que le Sénéchal de Voisin la vit, il ne put retenir un geste de surprise, la Reine a vieilli de dix ans en quelques heures. Une grande partie de la nuit, Blanche de Castille écrivit, elle indique où se trouve le trésor et comment y accéder par plusieurs endroits en évitant les pièges, ensuite elle transforma les indications, embrouillant, mélangeant le tout avec des versets de l'évangile, et prit comme clef les premières lettres de chaque ligne d'une inscription qui se trouve sur une pierre tombale dans le cimetière. Ceci fait elle glissa ces parchemins dans des rouleaux de bois et fit mander le chapelain, elle lui explique que ces rouleaux devaient être cachés dans l'église.
La Reine, le chapelain et un moinillon dans l'église du château dédiée à Ste Marie Madeleine, firent glisser la dalle qui servait d'autel et cachèrent les rouleaux dans un des piliers qui est creux.
1252 – Blanche de Castille va mourir, la paix règne dans le royaume, avec un courage surhumain elle est venue à bout de la révolte, mais l'effort a été trop grand, et puis il y a d'horribles souvenirs qui viennent la hanter, suprême épreuve elle est devenue lépreuse et les eaux de Rennes-les-Bains n'ont rien pu faire contre son mal, maintenant résignée et apaisée elle attend la mort, à une fidèle servante elle donne un étui pour son fils St Louis, lui disant où se trouve les parchemins, précaution presque inutile car St Louis sait où se trouve le trésor.
1270 – Tunis – St Louis meurt de la peste, il a fait venir son fils Philippe et lui confit le secret du Trésor Royal.
1285 – Philippe le Hardi est malade, toutes ses troupes sont malades, et de plus les Aragonais le harcèlent sans cesse, avec peine il finit par arriver avec les débris de son armée à Perpignan. A demi inconscient il meurt, il n'a pas eu le temps de transmettre le secret du Trésor Royal à son fils le futur Philippe le Bel. Personne ne sait plus où se trouve le Trésor de France.
Philippe le Bel, roi, est bientôt obligé de faire de la fausse monnaie, car il ne sait pas où se trouve le Trésor Royal.
1370 – Rhedae est envahi par les Espagnols, qui pillent, brûlent et détruisent tout, la ville est un océan de flammes, le donjon transformé en poudrière saute, tout s'écroule. Quand les Espagnols se retirent, Rhedae n'est plus qu'un monceau de ruines.
1645 – Rhedae en souvenir de Blanche de Castille s'appelle Rennes-le-Château, ce n'est plus qu'une petite bourgade de deux mille habitants, on a rebâti le château mais pas au même endroit. De l'Antique et orgueilleuse Rhedae il ne reste presque plus rien. Un jour un berger nommé Ignace Paris gardant ses moutons autour du village entend bêler une de ses brebis, il l'a cherche et ne la voit pas, pourtant les bêlements sont tout près, il cherche encore et s'aperçoit que les bêlements viennent de la terre, la bête est tombée dans un trou qui s'est formé au ras du sol, il se penche et la voit ; avec précaution il y descend, mais la brebis a peur et au lieu de venir vers son berger se met à fuir dans un souterrain qui donne dans le trou. Ignace bat le briquet, enflamme des herbes sèches, trouve des morceaux de bois, il se confectionne une sorte de torche et se met à la poursuite de sa brebis. Voyant la torche celle-ci a encore plus peur et fuit de plus belle et soudain tous deux débouchent dans une salle, elle est bourrée de coffres, l'un d'eux pourri laisse échapper des pièces d'or, le berger n'en croit pas ses yeux, il achève de démolir le coffre et c'est un ruissellement d'or mais subitement il recule épouvanté, des squelettes sont là, épars, semblant monter la garde autour du trésor. Alors fébrilement il se décoiffe, remplit son béret de pièces, son instinct de berger reprenant le dessus il attrape sa brebis qui, épouvantée elle aussi, s'est réfugiée dans un coin, et il fuit quelques mètres et c'est le trou, il pose ses pièces fait grimper sa brebis, reprenant ses pièces, il grimpe à son tour à l'air libre, il s'essuie le front moite de sueur, seulement il a réalisé qu'il est en possession d'un formidable secret. Ses moutons n'ont pas bougé son chien fidèle les a gardés pendant sa courte absence. La terreur du berger est encore vive d'avoir vu ces squelettes, mais l'appât de l'or est le plus fort, ce secret il le veut pour lui seul, aussi redescend-il dans le trou il veut s'assurer si le souterrain n'a pas d'autres issues que d'autres gens pourraient trouver, il rallume des herbes et suit le côté opposé à la salle ; il n'a pas fait dix mètres qu'il s'arrête net, un abîme s'ouvre là, béant, coupant absolument tout passage, il y jette un caillou qui rebondit interminablement, de ce côté là le secret est bien gardé, jamais personne ne pourra passer, tranquillisé Ignace remonte, il contemple ces pièces d'or il s'amuse à jouer avec, il est riche, plus riche que son châtelain, mais il ne faut pas que l'on sache, il s'emploie alors à boucher le trou, d'abord de grosses branches, puis des cailloux, de la terre, quand il a fini rien ne peut laisser supposer qu'il y avait un trou, il repère soigneusement l'endroit, et comme la nuit commence à arriver il retourne à Rennes. Pour son esprit simple, la commotion a été rude, il voit le trésor mais il voit aussi les squelettes qui le gardent, c'est avec un air égaré, qu'il arrive chez lui, où sans mot dire il pose sur la table le béret plein de pièces sa femme est affolée.
- D'où sors-tu ces pièces, crie t-elle ?
Lui se renferme dans son mutisme, il ne peut et ne veut rien dire, en entendant les cris de sa femme des voisins viennent voir et ils voient les pièces, ils avertissent le seigneur, celui-ci accourt.
On questionne le berger, on l'accuse, d'avoir volé, d'avoir tué un voyageur, il se défend et finit par raconter son histoire, mais dans sa tête il comprend que le secret ne lui appartient plus, il ne pourra plus en jouir, il se précipite sur son seigneur, pour le tuer, mais les gardes sont là et c'est lui que l'on tue.
Ignace Paris a emporté son secret dans la tombe. Le Châtelain, les gardes et tous les habitants cherchent vainement le trou du berger, ce dernier l'avait bien dissimulé et le secret est de nouveau perdu.
1885 – Par une chaude journée du mois de mai, l'abbé Béranger Saunière monte à pied la dure côte qui mène à Rennes-le-Château, personne n'est venu l'accueillir à la gare de Couiza, personne pas même un membre de sa famille qui habite tout près, à Montazels qui se trouve à cinq cents mètres de la gare, rien, il connaît Rennes-le-Château, un tout petit village sans avenir, et c'est là que Monseigneur l'envoie, lui, presque tout jeune prêtre puisqu'il n'a que trente trois ans. C'est presque une punition, enfin il boira le calice.
Son arrivée dans le village est morne, il apprend que la clé du presbytère est chez l'Alexandrine Dénarnaud, il finit par trouver la maison, une minuscule bicoque à l'entrée du village. C'est une jolie jeune fille qui le reçoit, ni sa mère, ni son père ne sont là, mais cela ne fait rien elle va accompagner M. le curé.
La visite du presbytère est désastreuse, tout est en mauvais état, il y fait humide et froid, et le peu de meuble qu'il y a sont vermoulus. Un immense découragement envahit l'abbé, la jeune fille s'en aperçoit et fait tout ce qu'elle peut pour le remonter. Alexandrine arrive enfin et invite le curé à dîner.
Dans les jours qui suivent le curé apprécie la gentillesse de la jeune fille qui s'appelle Marie, de son père et de sa mère, et comme le presbytère est grand il leur offre, leur maison étant très petite, de venir habiter avec lui au presbytère, le frère Barthélémy pourra rester dans la petite maison d'autant plus qu'il songe à se marier.
La famille Dénarnaud accepte et bien que le curé soit souvent à cours d'argent c'est une vie de famille qu'il mène ; Marie, sa mère Alexandrine et le père Guillaume ne savent que faire pour lui faire plaisir, souvent même Marie qui travaille à la Chapellerie à Espéraza et Alexandrine lui avancent de l'argent.
1892 – L'abbé a conquis l'estime de tous ses paroissiens, il est au mieux avec le Maire et les conseillers aussi en profite t-il pour demander quelques crédits pour refaire le maître autel qui n'est plus au goût du jour et aussi arranger le toit qui est en mauvais état. Le Maire et le Conseil Municipal acceptent et lui allouent 2400 f. de crédit, c'est une très grosse somme pour l'époque. L'abbé est content grâce à cet argent il va faire les réparations et les aménagements qui lui conviennent. Il fait venir un maçon de Couiza un nommé Babou qui se met au travail et qui commence à démolir le maître autel, à 9h du matin l'abbé se dispose d'aller voir les travaux, il ne fait pas chaud du tout car nous sommes en février, arrivé dans l'église il est interpellé par le maçon qui lui montre une cavité dans un des piliers du maître autel, dans cette cavité il y a des rouleaux de bois fermés avec de la cire. L'abbé intrigué en prend un, casse le capuchon de cire et voit une masse grisâtre qu'il tire, c'est un parchemin, il est écrit, vieux français, latin, l'abbé reconnaît des fragments de l'Evangile, mais mêlé à cela il y a d'autres mots tels que pièces d'or, bijoux, etc… La respiration de l'abbé se fait plus courte il y a là un mystère, des mots épars dansent devant ses yeux, il reconnaît des chiffres, l'abbé se reprend car Babou est là qui le regarde, avec une feinte indifférence il lui dit que ce sont des papiers sacrés et qui ont été mis là par d'autres prêtres, peut-être à la révolution française, ils n'ont aucune valeur, et l'abbé dit au maçon d'aller déjeuner, et que pendant ce temps là il dirait sa messe. Babou n'insiste pas et s'en va. Aussitôt l'abbé sort tous les rouleaux, brise la cire qui les cachette, et lit, il voit de suite que tout a été embrouillé à souhait, mais néanmoins il est sûr que ces parchemins révèlent un formidable secret.
Babou après déjeuner est allé bavarder, et comme une traînée de flamme tout le village apprend que l'on a trouvé des rouleaux contenant des parchemins. Le Maire vient voir le curé, qui sans difficulté les lui montre, mais il n'y comprend rien, et le curé n'a aucun mal pour lui prouver que ce sont des papiers sans valeur puisqu'on y parle de St Mathieu, St Luc, de St Jean, le Maire n'insiste pas, mais le curé a peur que si Babou continue il fasse une autre découverte. Sous le prétexte qu'il doit partir en voyage et ne peut surveiller les travaux, il arrête tout.
Toute la nuit le curé aidé de Marie, essaye de déchiffrer les documents, mais tout un tas de choses lui échappe, il y a des phrases entières en vieux Français et Latin qu'il ne comprend pas, la seule chose qu'il déchiffre assez bien ce sont les versets d'Evangile, et la signature de Blanche de Castille avec son sceau, tout le reste forme un rébus sans cohésion. Marie lui suggère d'aller voir un latiniste à Paris, mais le voyage coûte cher, Marie et sa famille donnent toutes leurs économies au curé, avec le peu que celui-ci possède cela suffira.
A Paris le curé très méfiant, se fait indiquer plusieurs latinistes et ne donne à chacun d'eux qu'une partie des documents, au bout de cinq jours, il a fini, il sait qu'il s'agit de la couronne de France, qu'il y a 18 millions 500 mille pièces d'or, des bijoux, des objets du culte, en tout une immense fortune, mais malgré les latinistes il reste une partie tout à fait obscure l'endroit où se trouve le trésor, c'est un véritable cryptogramme, il y a un mot clef, mais ce mot le curé ne le connaît pas. Tout soucieux un peu penaud, le curé retourne à Rennes et confie à Marie ses résultats.
Dès le lendemain le curé retourne à l'église. L'autel est à moitié démoli, il regarde où ce mot pourrait se trouver, mais les piliers n'ont rien, pas une inscription, la dalle de l'autel en a quelques-unes mais elles ne correspondent pas et malgré ses efforts il ne trouve pas. Marie elle, se promène dans le cimetière et soudain son attention est attirée par un très vieux tombeau, la dalle porte des inscriptions qui lui ont toujours parues bizarres. Les mots sont coupés sans rime ni raison, si c'était cela ? Elle appelle le curé, qui note tout le texte et le soir tous les deux ils essayent et tout à coup il trouve la combinaison, le trésor est à eux. Il y a six entrées, celle du donjon est la plus facile, mais où était le donjon, tout est rasé, oui mais sur un des côtés du parchemin il y a des lignes et ces lignes doivent partir du Maître autel, ces lignes sont comptées en toises et il y a l'orientation par rapport à l'église. Marie et le curé brulent de fièvre, il est deux heures du matin, dans le village, tout dort, aussi ils n'hésitent pas, ils prennent des cordes qu'ils mesurent soigneusement, et ils les tendent comme l'indiquent les lignes sur le plan. Il fait très froid, le vent souffle mais ils n'en ont cure.
Le point d'intersection des ficelles se trouve au milieu d'un endroit qu'on appelle la Capella, le Château c'est un terrain vague, il est trop tard maintenant pour continuer car bientôt les paysans vont se lever.
La nuit suivante le curé et Marie qui ont soigneusement repéré l'endroit commencent à fouiller, à quarante centimètres du sol, ils trouvent une dalle de pierre, ils la dégagent, elle porte un anneau rouillé à son centre, s'aidant avec des barres ils finissent par l'enlever, un sombre escalier se révèle. Le curé décide que Marie fera le guet pendant que lui descendra, l'escalier est interminable, la lanterne dont il s'est muni jette à peine un peu de clarté. Il descend d'au moins vingt cinq mètres et abouti à une salle ronde, sa faible lumière lui révèle 6 ouvertures béantes tout autour. Le curé doit faire appel à tout son courage, car l'endroit est sinistre, l'eau suinte des murs, pas un bruit ne perce le silence que la respiration saccadée du curé, on dirait un sépulcre. Le curé consulte à nouveau ses notes, il finit par choisir un souterrain, il avance le voici au tournant, il cherche les pierres avec les indications. Voilà celle avec une croix en bas qu'il faut pousser avec le pied pendant qu'avec la main il faut faire basculer en la faisant tourner la 7ème pierre en partant de celle qui porte une couronne, et appuyer assez fort sur la muraille après avoir entendu le déclic.
Le cœur du curé bat la chamade, il est entièrement trempé de sueur, il fait basculer la pierre, pendant qu'il pousse l'autre avec le pied, et pousse avec son épaule, mais rien ne se passe, la muraille ne bouge pas, le curé est saisi d'un spasme nerveux et tremble des pieds à la tête, les indications seraient-elles fausses, se serait-il trompé, où le mécanisme par le temps ne marcherait-il plus ? Il se maîtrise, réfléchit, le parchemin dit après le déclic pousser avec l'épaule, lui a poussé de suite, il doit recommencer, il respire un grand coup et refait les deux gestes et attend, quelques secondes se passent et il entend un léger bruit, ce doit être le déclic, se mordant les lèvres jusqu'au sang, il appuie sur la muraille, il sent son cœur s'arrêter, la muraille s'enfonce, elle tourne, elle ouvre un noir orifice en fermant l'autre côté du souterrain. L'abbé s'oblige à respirer, à se calmer puis résolument il entre, il pousse malgré lui un cri d'horreur, trois squelettes sont là près de la porte, ils semblent monter la garde. Près d'eux des coffres, des malles à demi pourries qui laissent couler des pièces d'or, des bijoux. Les parchemins n'ont pas menti, le curé sent le vertige gagner, il a envie de pleurer, de crier, il y a là une fortune considérable qui est là et à lui, rien qu'à lui, adieu la misère, il est riche, immensément riche, plus riche que le pape, le trésor des rois de France est à lui. Se forçant à se calmer il cherche à compter les caisses, il y en a au moins deux cents, mais il ne peut s'empêcher de frissonner chaque fois qu'il rencontre un squelette, il y en a dix en tout, le curé pressent le drame et s'imagine ces hommes mourant de faim et de soif à côté d'un trésor qui aurait pu leur donner la toute puissance.
Le curé reprend ses esprits, il faut remonter, Marie est là-haut qui l'attend. Lui dira t-il ? Il hésite, mais au point où il en est Marie en sait autant que lui, mentir ne servirait à rien, car il serait obligé de descendre, de monnayer cet or, il lui faut une personne de confiance, et Marie lui a donné assez de preuves de son dévouement, il remonte, Marie est là inquiète de la longue absence du curé, vite ils remettent la dalle, la recouvrant de terre, au milieu des pierres, des ronces, rien ne se connaît. Le curé n'a encore rien dit à Marie, mais celle-ci a compris et maintenant au presbytère en ruine il lui raconte tout ce qu'il a vu, c'est un éblouissement. Ils font des projets sans nombre, avant toute chose recommande Marie avec sa finesse paysanne ne pas donner l'éveil, elle connaît l'histoire du berger et la raconte au curé. Ni l'un ni l'autre ne peuvent dormir cette nuit là.
Dès le lendemain tous les deux arrêtèrent un plan, ils iront la nuit suivante dans la salle au trésor, ils en prendront un peu, et puis le curé ira en Espagne, ce n'est pas loin, vendre les pièces, il se fera envoyer l'argent à la poste de Couiza où plutôt il l'enverra au nom de Marie.
Cela va très bien le curé change souvent de pays, tantôt l'Espagne, tantôt la Belgique, tantôt la Suisse et l'Allemagne. Il vend très bien ses pièces car elles sont rares, il vend aussi quelques bijoux, l'argent rentre à flot, aussi fait-il refaire l'église entièrement à neuf, ainsi que le presbytère, il commande les plus beaux meubles, les plus beaux bibelots, pour Marie il lui fait faire les plus belles robes, il dépense sans compter, il commande les meilleurs vins, les meilleures liqueurs, il invite toute personne qui vient lui rendre visite. Chaque jour ce sont des repas somptueux arrosés des meilleurs crus, la vie est belle.
Le curé achète des terrains autour du presbytère y compris celui où se trouve la dalle, il a son idée et c'est au nom de Marie qu'il les achète, on ne sait jamais. Il a aussi dans le cimetière démoli la tombe et rasé les inscriptions de la dalle qui recelait le mot clef, les parchemins il les a mis dans la salle au trésor, il connaît le secret par cœur , Marie aussi, ils sont joyeux tous les deux, tout leur sourit.
Le Maire un jour vient lui faire des reproches sur ce qu'il a fait au cimetière, mais le curé s'en moque c'est trop tard. Cependant pour apaiser le Maire, il lui fait comprendre que s'il a besoin de lui qu'il ne se gêne pas et pour justifier sa subite fortune il parle d'un oncle d'Amérique qui est mort et dont il a été l'héritier, le Maire n'est pas dupe mais il ne peut rien faire. Le curé l'a joué avec les parchemins, il hésite, il a besoin d'argent, il veut acheter une maison, des terres, sa fille doit se marier, il le dit au curé, celui-ci sort et revient avec un petit sac qui contient 5000 f or, il force le Maire à le prendre. Dorénavant le Maire viendra souvent voir le curé et jamais il ne repartira les mains vides, aussi tout ce que le curé veut, le Maire aussi.
Il comble aussi Alexandrine et Guillaume, tout ce qu'ils veulent ils l'ont. Alexandrine a bien essayé de savoir par Marie, mais elle s'est heurté à un mur, Marie ne sait pas et elle ne démordra pas de là.
1897 – Le curé attend Monseigneur Billard pour la Mission, l'église est flambante neuve, le jardin qui est devant elle est un océan de fleurs, tout resplendit, la grotte dédiée à Notre Dame de Lourdes, la croix qui sera inaugurée par Monseigneur, le cimetière même qui ressemble davantage à un jardin qu'à un endroit funèbre.
Alexandrine pour la cuisine s'est surpassée, l'Evêque n'en peut plus, foie gras, hors-d'œuvre, rôtis, gâteaux, le tout arrosé des vins les plus vieux et les plus célèbres, les alcools, les liqueurs se succèdent sans nombre quand le soir arrive, Monseigneur est bien, il voit tout en rose, pour un peu il chanterait, il plaisante avec le curé avec face bourrades, il se trompe de chapeau et coiffe celui du curé au lieu du sien, heureusement le curé s'en aperçoit et le lui change. Le curé est radieux, il a conquis son Evêque, il n'en doute pas, il se voit déjà chargé d'honneurs, chanoine bientôt, Evêque peut-être un jour, il fera don à l'église de son immense fortune, il sera certainement nommé cardinal, aussi se prépare t-il une somptueuse résidence avec une tour qui lui servira de bibliothèque, quand il mourra on bénira sa mémoire.
Mais, hélas, de l'Evêché, rien ne vient, Monseigneur semble lui tenir rigueur de s'être montré dans cet état. Les années passent, la construction avance, la villa est splendide, la Tour se finit, le chemin de ronde aussi, les relieurs travaillent dur dans le jardin pour relier tous les livres de la bibliothèque, éditions originales de livres, vases de Sèvres, de Saxe, c'est plus Riche c'est Royal.
Il attend toujours quelque chose de l'Evêché, mais c'est une mauvaise nouvelle qui arrive, Mgr Billard mort, c'est Mgr de Beauséjour qui le remplace, le curé reprend espoir, mais toujours rien, si une convocation pour se rendre à l'Evêché rendre des comptes. Mgr veut savoir d'où le curé tient sa fortune, il exige des comptes et explications, le curé hésite, il a peur de dire son secret. Marie lui conseille de se taire, s'il le dit c'est fini, surtout qu'il y a eu la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Si le secret se sait il y aura procès entre l'Eglise et l'Etat pour savoir à qui cela appartient, et le curé n'aura plus rien, car le trésor sera mis sous séquestre, confisqué en attendant la fin du procès qui durera des années, peut-être des siècles. Après avoir tout bien pensé le curé prend la décision de ne rien dire, et si l'Eglise ne veut pas à défaut d'honneur tout au moins le laisser tranquille, elle n'aura rien quand il mourra. Il le fait comprendre à l'Evêque, mais celui-ci veut connaître la vérité. Les dépenses du curé l'obsède. Ce trésor qu'il a pressenti il le veut, non pour lui, mais pour l'Eglise. Il brisera ce prêtre s'il le faut mais il dira la vérité.
Le Coadjuteur de l'Evêque, Mgr Cantegril écrit lettre sur lettre au curé Saunières. Celui-ci se défend pied à pied, il ne veut absolument pas se rendre à Carcassonne pour donner des explications, il sait que s'il y va il est perdu. Alors il se fait faire de faux certificats par son docteur disant qu'il ne peut pas bouger.
Monseigneur de Beauséjour comprend l'astuce et décide de la pousser dans ses derniers retranchements, il l'inculpe de trafic de messes, aussi le curé sera obligé de venir se justifier. Affolé le curé consulte ses nombreux amis qui lui conseillent de prendre un avocat, le curé va trouver Me Mis, mais ce dernier lui apprend qu'il faut un avocat en général religieux habilité par les tribunaux ecclésiastiques, lui ne peut rien, le curé finalement trouve le chanoine Huguet d'Espiens qui consent à assurer sa défense, il lui dit de ne pas bouger et d'attendre, de le laisser faire. L'Evêque furieux, ne voyant pas venir le curé prononce un arrêté d'interdiction par contumace.
Aussitôt le chanoine Huguet fait appel en cour de Rome, le curé reprend espoir, il fait entrevoir au chanoine que si l'affaire se termine bien, sa fortune est faite, il le charge aussi de faire comprendre à l'Eglise que si de son vivant il ne peut rien dire, à sa mort si l'Eglise a été compréhensive elle aura tout.
Mais malgré les démarches du chanoine Huguet, si Rome abandonne l'accusation du trafic de messes et ordonne un non lieu, l'Officialité veut absolument savoir d'où provient l'immense fortune du curé, mais ce dernier ulcéré au dernier degré, après tous les espoirs qu'il avait eu, refuse catégoriquement, et c'est l'interdiction définitive pour outrage et révolte.
N'ayant plus rien à espérer à moins qu'il ne dévoile son secret comme le lui fait entendre une dernière lettre de l'Evêque, mais de cela, il ne peut en être question, il met tout en œuvre pour contrer le nouveau prêtre nommé à Rennes-le-Château par l'Evêque. Tout d'abord il loue le presbytère pour 99 ans et recommande à ses anciens paroissiens de ne pas le prendre en pension chez eux, le nouveau prêtre ne peut habiter le pays, aussi va t-il habiter Couiza et c'est à pied qu'il doit monter à Rennes-le-Château pour dire sa messe, mais là (seul) une nouvelle déception l'attend, car l'abbé Saunières a fait faire il y a déjà pas mal de temps une chapelle privée à côté de sa somptueuse demeure et il y dit la messe que tous les villageois vont écouter alors que dans l'église il n'y a personne.
Occupé par ses démêlés avec l'Eglise, l'abbé Saunières n'a plus fait de constructions mais puisque tout est terminé il y songe de nouveau, et c'est des plans sans fin et des projets, un jour il essaye une voiture automobile, aussitôt il en veut une, oui mais voilà la route ne permet pas de monter à Rennes en auto, qu'à cela ne tienne il en fera faire une, il se fera aussi bâtir une splendide tombeau avec une belle chapelle par-dessus comme cela le jour de la Toussaint il pourra y dire la Messe. Puis il songe que la Tour n'est pas assez grande, il lui fera faire un étage de plus ainsi qu'un jardin d'hiver. Il conçoit un rempart tout autour de Rennes ainsi qu'une autre tour, celle là de 50m de haut avec une bibliothèque qui suivra l'escalier en colimaçon. Monseigneur en verdira de jalousie. Alors pendant deux ans ce sont des projets, aucun ne lui plait, il veut toujours plus beau, plus grand, il ajoute à ses projets et cela pour plaire à ses paroissiens, l'adduction d'eau chez tous, enfin tout est prêt et il signe des bons de commande tous ces travaux se montent au chiffre fabuleux de 8 millions d'or, près de 3 milliards de nos francs.
Seulement l'abbé Saunières a fait trop bonne chère, il souffre d'une cirrhose du foie malgré le régime que le docteur lui prescrit il ne peut s'empêcher de bien manger et de bien boire et le drame éclate, le 22 janvier 1917, il fait un temps radieux, aussi veut-il aller sur la terrasse malgré les conseils de Marie, il veut jouir de ce panorama unique mais le vent est tout de même froid, il sent un malaise le gagner, il étouffe, il rentre péniblement chez lui, Marie accoure, elle envoie chercher le docteur, mais quand il arrive c'est trop tard le curé est mort.
Marie le laisse dans le fauteuil où il est mort, couvert d'une couverture avec des pompons rouges, et tous les pauvres gens avec lesquels il avait été bon viennent lui rendre une dernière visite, veulent emporter une relique, et chacun emporte un des pompons rouges de la couverture.
Marie malgré son immense chagrin, se prépare à la bataille, car les héritiers du curé sont là comme une bande de loups affamés, aucun n'ignore l'affection que le curé avait pour elle et vice-versa. Tant qu'il vécut il l'a toujours défendue maintenant c'est fini elle est seule, mais elle est de taille à se défendre, aussi l'enterrement somptueux terminé (cinq curés ont dit la messe) les héritiers veulent immédiatement faire l'inventaire et faire mettre les scellés partout, mais Marie sort ses papiers, le curé n'étant pas chez lui mais chez elle, et devant les héritiers furieux au point de la frapper, elle sort des actes, des factures, tout a été acquis au nom de Marie Dénarnaud, elle est chez elle, et c'est avec une sombre joie qu'elle les chasse. Les héritiers partent la menace à la bouche, mais ils ne peuvent rien faire, Marie est bien la propriétaire, tout lui appartient, alors en désespoir de cause ils essayent de la cajoler, mais c'est trop tard.
L'Evêque aussi n'est pas très content, on espérait beaucoup de la mort du curé, mais rien n'est perdu puisque Marie est là, elle doit connaître le secret, de plus elle est seule, alors de nombreux curés essayent de lui arracher et son domaine et son secret, de lui faire faire un testament en faveur de l'Eglise, mais Marie fine manche élude les questions, renvoie au lendemain les décisions qu'elle doit prendre, promet évasivement, se dérobe et pendant des années elle vit farouchement repliée sur elle-même, se méfiant de tout le monde.
Tous les gens qu'elle connaît elle s'en méfie, car tous essayent et font plus qu'essayer, ils lui volent tout ce qu'il y a de plus beau, tous profitent d'elle. Marie ferme les yeux, tout cela a si peu d'importance, ce que l'on ne saura jamais c'est le secret. Les années s'écoulent, Marie est absolument seule, son père est mort puis sa mère, puis son frère, elle n'a plus que sa belle-sœur, et deux nièces et un neveu, tous essayant de savoir mais elle se tait.
Marie se fait vieille, elle ne peut plus aller au trésor, la dalle est trop lourde, puis c'est trop dangereux, elle accepte presque la misère, elle vivra chichement, elle vendra quelques meubles, cela lui suffit, maintenant les gens la délaissant, ceux qui viennent sont peu nombreux. Elle songe souvent auprès du feu, son chat favori sur les genoux, à qui elle pourra laisser et le domaine et le secret, elle prie Dieu et la Ste Vierge.
Un jour une famille arrive en excursion, le site leur plait, ils reviennent une seconde fois, une idée germe dans le cerveau de Marie, et elle leur offre la maison pour venir y passer les vacances, elle pourra les étudier, savoir ce qu'ils sont.
Juillet arrive et la résidence du curé a pris un air de fête, on entend des cris d'enfants qui jouent, un poste de radio T.S.F qui chante des airs à la mode, ou un pick-up, le Monsieur fait arranger ce qui presse le plus, Marie observe, écoute, souvent le soir elle se met sous les fenêtres et tache de surprendre les conversations, de son pas silencieux et feutré elle pénètre dans la maison et écoute aux portes, quand l'été est terminé, elle est fixée, elle va tout leur donner, le domaine et le secret. Tout d'abord le domaine, pour ne pas faire semblant de leur en faire cadeau, elle le leur vendra et suprême vengeance elle fera faire l'acte par un notaire qui depuis des années cherche à avoir le domaine et le secret. Pour ce dernier elle le dira le jour de sa mort, à son âge on en a pas pour longtemps.
La famille vient habiter définitivement le domaine ; des jours sombres sont arrivés, le Monsieur a perdu beaucoup d'argent, jamais il ne s'est intéressé à l'affaire du trésor, et n'a interrogé Marie, cette dernière heureuse, à demi impotente la famille l'a prise chez elle et l'a soigne, quand Marie les voit tristes elle ne peut s'empêcher de leur dire "ne vous faites pas de mauvais sang, quand je mourrais vous serez très, très riches, vous ne pourrez jamais dépenser l'argent que vous aurez". Mais elle sent que personne ne la croit et dans le fond elle est heureuse, trop de gens l'ont tourmenté pour savoir, cette indifférence lui plait.
18 janvier 1953 – Marie ne se sent pas bien, elle a chaud, elle se découvre, mais après elle a froid. Quand on vient la voir à 8h du matin, elle brûle de fièvre, le thermomètre marque 39°9. Vite on appelle le docteur qui diagnostique une grippe infectieuse, il est 10h, Marie sent son cerveau s'obscurcir, elle veut parler dire son secret mais c'est trop tard, elle sombre dans l'inconscience où elle y restera cinq jours et mourra avec son secret.
FIN.
† le 29 janvier 1953